J’écris car je suis perdue. 

Je témoigne de ce flou incommensurable qui m’anime. 

Peut-être que je pourrais lire en commentaire des personnes qui sont dans la même situation que moi. 

Je suis assommée ces derniers jours par une vague d’angoisse intense qui s’installe en moi. 

Une angoisse que je ne peux malheureusement pas localiser tant je suis confondue avec elle. 

Je la sens circuler dans mes veines comme un poison qui me consume, je la ressens dans mon dos. Mon bassin est cristallisé à tel point que mon ostéo n’a rien pu faire. Tout est figé. Mon bas ventre est douloureux, j’ai eu des saignements.

Cela fait 10 ans maintenant environ que j’ai eu mes premiers flashs. Une petite fille blonde dans une voiture (je suis châtain  depuis toujours, ce n’est donc pas moi) complètement tétanisée en regardant l’homme qui conduit. Celui-ci la regarde avec un air qui m’écoeure encore aujourd’hui. Ce flash est revenu plusieurs fois.

Puis s’en suivent d’autres flash réguliers… Des scènes entre un adulte et un enfant, des scènes horribles.C’est bizarre mais j’en fais un déni total, elles surgissent et je les fais disparaître. je ne m’en dis rien. 

Je ne reconnais personne dans ces flashs, ce n’est ni moi, ni des adultes que je connais. La seule manière de les court-circuiter c’est de couper le flash avec une hache qui se matérialise.

Je n’en parle à personne… Même pas à mon psy. De toute façon je sais qu’elles sont présentes mais je ne les prends pas en compte. Je l’ai verbalisé il y a peu.

Je me souviens d’une séance en thérapie où je dis à mon psy J’ai le sentiment qu’il m’est arrivé quelque chose… Puis voilà… Je n’ai pas approfondi 

Puis toutes ces relations toxiques avec les hommes où l’emprise s’installe comme une toile d’araignée. Où je ne pourrai vous décrire exactement ce qui s’est passé mais où je ressens encore dans mon plexus les émotions que je traversais. Ces sentiments de ne jamais être assez bien, ce sentiment de doute, de culpabilité d’être moi.

Cette répulsion totale de moi pendant des années et des années où j’en veux profondément à toutes les personnes qui me disent que je suis jolie, comment font-ils pour ne pas voir à quel point je suis une horreur. Je me dégoûte et quand j’écris cela, je ressens encore cette sensation de dégoût physiquement.

Ces élans de violence envers moi psychologiques et physiques. Cette polyphagie que je conscientise depuis peu.

Cette angoisse de fond qui est là depuis tellement longtemps qu’elle fait partie de moi. Elle est « normale ».

Je ne me souviens pas de mon enfance. Je m’entends le dire plusieurs fois depuis que je suis grande ado.

J’ai longtemps pensé que c’était le cas de tout le monde. 

Au fil de ma vie je souhaite me reconvertir professionnellement et je me tourne vers la relation d’aide. Cette vocation se fait évidente pour moi au fil de mon expérience professionnelle en tant que secrétaire médicale.

J’ai fait 5 ans de formation et j’ai continué ma thérapie en même temps. Mon angoisse est toujours présente mais elle s’apaise avec le temps. Je passe par des moments difficiles mais ils font partie de mon chemin, tout se déconstruit et se reconstruit. Je découvre mes ressources etc. 

Je me lance ensuite dans une formation de sophrologue. Je décide de descendre dans le corps après avoir parlé pendant de nombreuses années. 

A l’issue d’un week end de pratique bien bien remuant, je me sens nauséeuse et  fortement angoissée plus que ma « normale », remuée.  

Un autre weekend, une pratique où le sophrologue nous propose de laisser apparaître l’enfant que nous étions. S’approche de moi une petite fille sortie d’un film d’horreur avec une tache de sang dans son petit legging rose.

Je ne saisis pas tellement ce qui m’arrive et je ne cherche pas trop à comprendre. Je suis tétanisée et je me dis pour la première fois « c’est quoi ton problème ? pourquoi tu te crées ces images! » Je me sens en colère contre moi. Je me laisse le temps mais je commence dans le fond à penser à tout ça. Tout en étant dans le déni, tout en me disant que je suis un peu folle. 

Première expérience consciente de mon corps qui souhaite me faire passer un message. 

Plus compliqué à comprendre dans ce sens là. 

Pendant ces années de thérapies, c’était l’inverse. 

Je tourne mon regard sur l’accompagnement des violences faites aux femmes pour me former, je me dis que le sujet me tient à cœur et que cela pourra ajouter, en plus de mon expérience de vie, une corde à mon arc pour accompagner au mieux ces femmes. 

Je m’inscris ensuite à la formation « mieux accompagner les personnes victimes d’inceste ».

Premier module… 

Je parle, je parle, je parle, j’interviens… Je comprendrais après à quel point j’étais angoissée et à fleur de peau. J’envahis presque tous les échanges.

Puis après le premier module, quelques jours après… Un autre flash, cette fois ci, c’est moi l’enfant et lui je le reconnais.

Moi dans mon lit à 5-6 ans, lui à côté de moi… Je suis tétanisée… Puis s’ajoutent des détails au fil des jours. Je n’y crois pas. Pourquoi je construis cela dans ma tête ?

J’ai le sentiment de devenir folle. Ce n’est pas vrai, pourquoi je me mets dans cet état ? Pourquoi ces images me viennent ?! C’est horrible, pourquoi je me fais du mal comme ça.

Clairement je ne me crois pas…Je m’en veux de me mettre dans cet état.

Je me répète à la folie, « ce n’est pas vrai…t’es complètement folle » « si c’est vrai c’est trop horrible ».

Je suis nauséeuse pendant 10 jours.

J’ai trois enfants. Dont un bébé de 11 mois.

Un après-midi, je joue avec mon fils dans le salon. Nous sommes sur le sol.

Je lève ma tête vers le canapé et là… Un autre flash avec la sensation qui va avec. 

Je suis tétanisée. 

Cette angoisse m’envahit encore plus. Je suis épuisée car ce nouveau flash me culpabilise encore plus de me rendre folle comme cela. Je culpabilise aussi de ne pas écouter la petite fille qui est en moi. 

Depuis plus de flash, plus de remontée. Juste tous ces ressentis dans le corps qui se bousculent, montent puis redescendent. Je suis dans un grand 8 émotionnel. Mon cœur se serre si fort que j’en ai mal. Ma respiration est courte.

Tout cela est très récent. 

Aujourd’hui j’oscille entre journée de forte angoisse et journée moins forte… Je suis épuisée par cette lutte intérieure.

Je vais commencer un accompagnement. Je suis tétanisée de ce qui pourrait apparaître que s’est il passé ? Est ce vrai ?

J’en suis toujours là même si je sens que j’y crois de plus en plus. 

Un flash, un souvenir qui apparaît aujourd’hui soudainement, ce n’est pas comme un souvenir que vous avez toujours eu.

C’est flou, ce n’est pas forcément construit. Pour le moment, je n’ai pas le contexte… la fin, le début. Juste des morceaux de quelque chose. C’est comme si on voulait faire entrer un rond dans un carré, rien n’est logique pour moi. 

J’ai beau l’avoir vu en formation, avoir vu et revu les mécanismes de mémoire traumatique. 

Le vivre, c’est tout autre chose. 

Quand je suis dans un jours plus cool, je me dis « tu vois, ça va mieux. Tu as dû te faire des films »…

J’ai conscience d’avoir mis juste un bout d’ongle dans cet océan d’inconnu… 

J’ai peur. 

Lina