Comment est-ce qu’on peut essayer d’avancer, de passer à autre chose alors qu’on ne sait pas ? On sait qu’il s’est passé quelque chose, parce que les sensations, les souvenirs flous et les rêves nous disent que ça a existé. Mais toutes ces bribes sont là aussi pour nous rappeler que finalement, on ne sait pas. Il y a trois mois encore, je ne savais même pas que tout ce passé existait. Le flash d’un souvenir m’a replacée avec un ancien conjoint de ma mère, à cinq-six ans, dans un lit, nue, sentant une odeur que j’ai l’impression de passer mon temps à respirer depuis. Des sensations d’étouffement d’une violence inouïe, de sperme dans la gorge et de mal-être. Et toujours ces questions en boucle : qu’est-ce qu’il s’est passé exactement ? Quand ? Combien de fois ?
Est-ce que ma mère le savait ? Est-ce qu’elle l’a laissé faire ? Est-ce que c’est mieux de ne pas savoir ? Mais aucune réponse. La seule chose qu’il reste, ce sont ces sensations et les conséquences sur le présent. Subir les troubles (boulimie, tocs, alcool…) sans les comprendre. Et pourtant, si mon cerveau ne devient pas un peu plus coopératif, il va bien falloir que j’en fasse le deuil. Et avancer.

Stéphanie 35 ans