(Possibles TW sur les faits subis)

Je suis June, j’ai déjà témoigné sur ce site de ma sortie d’amnésie traumatique et de mes traumatismes. 

Aujourd’hui j’ai envie de faire un bilan après plus d’un an de sortie d’amnésie traumatique (je suis sortie d’amnésie en décembre 2021). Pour moi, et pour donner un peu d’espoir peut-être aussi, si cela peut aider quelqu’un. 

J’ai déjà décrit mes traumatismes dans mon premier témoignage. Je vais faire bref, j’ai subi différents types de viols et des attouchements de mon grand-père maternel, ainsi que des étranglements et menaces de mort (pour que je ne parle pas). Cela a duré de mes 4/5 ans à mes 8/9 ans. Je suis sortie d’amnésie quelques années après sa mort (j’avais 30 ans). Il est parti tranquille tandis que j’ai pris perpétuité. J’ai aussi subi des attouchements voire viols (c’est encore un peu flou) d’un animateur en classe de découverte en CE1. Ce traumatisme n’a pas encore été assez travaillé, retraité pour tirer au clair mes souvenirs.

Il y a encore beaucoup d’autres traumatismes mais un peu moins « dur » que ceux là. 

Du coup en a découlé beaucoup de symptômes : trouble post-traumatique, trauma complexe et donc dépression résistante, toc, trouble anxieux généralisé, hypervigilance, troubles alimentaires pour ne citer qu’eux… 

Voilà pour le récapitulatif. J’ai détaillé mon parcours dans mon premier témoignage

Lors de ma sortie d’amnésie j’ai continué mon suivi avec ma psychothérapeute en EMDR. Une méthode qui fait ses preuves pour moi, mais où cela coinçait avant la sortie d’amnésie. Elle me suit depuis 2015 et est très bienveillante. Depuis mes 17 ans (2008) je me posais des questions sur d’éventuelles agressions sexuelles. J’ai pu en parler vers 2011, en indiquant me poser des questions là dessus, sans qu’aucun suivi ne soit mis en place pour cela. J’étais seule avec mes questions. Pour moi c’était clair, j’avais besoin de la dernière pièce du puzzle, donc savoir ce qu’il m’était arrivé pour me reconstruire. Ma thérapeute m’avait prévenue que cela pouvait ne pas ressortir. Donc quand je suis sortie d’amnésie traumatique, même si c’était très très dur, c’était du positif et de la délivrance. Au début je ne voyais pas le visage de mon agresseur principal. Quand j’ai découvert son visage et que cela s’est confirmé sur des séances et des séances, ça a été un choc. C’était mon grand-père. Je savais qu’il avait été maltraitant avec ma grand-mère et leurs enfants dont ma mère mais je n’imaginais pas qu’il puisse faire cela et passer pour le grand-père qui se rattrape avec ses petits enfants, les chouchoute, les gâte, en prenne soin… J’en ai d’abord parlé à mon père, puis à ma mère accompagnée de mon père, elle était choquée évidemment, puis à mon frère et ma sœur, par téléphone en présence de mes parents. Un choc pour tout le monde. Du mal à assimiler l’information mais du soutien et aucune mise en doute de mon vécu. Je sais que j’ai de la chance de ce côté là car beaucoup sont rejetés malheureusement lorsqu’ils annoncent ce lourd secret. Courage à elles/eux d’ailleurs ! Je vous envoie de la force…

À partir du printemps en allant vers l’été j’ai eu besoin de faire des choses concrètes, mon « grand-père » (je l’appelle « l’autre » aujourd’hui et ma mère ne le considère même pas comme un géniteur) étant décédé. Il n’y avait aucune tombe à aller démolir pour se défouler (oui j’y ai pensé) alors il fallait faire autrement. 

Je lui ai écrit pour lui dire tout ce que j’avais à lui dire. Plusieurs fois. Tout cela en retraitant via l’EMDR. J’ai tout sorti par l’écrit et à l’oral devant ma thérapeute. 

J’ai fait de l’EMDR et j’ai beaucoup pleuré, ressenti énormément d’émotions, colère, rage, injustice (car il a eu la belle vie et la belle mort), etc. Ça m’a aidée. Beaucoup. 

Une victime de trauma et d’amnésie traumatique ayant commenté mon témoignage (je la remercie), j’ai su que je pouvais porter plainte même si mon agresseur était mort, la plainte serait classée mais c’est symbolique. Je l’ai fait et ma plainte est en cours de traitement. J’ai été accompagnée dans ma démarche par l’association France Victimes. Ça m’a fait du bien d’exposer les faits et je verrai si la réponse que j’ai est bienveillante ou juste « classique », formelle. 

Malheureusement dans ma ville il n’y a pas de groupe de parole sur ce sujet. 

J’ai écrit à toute ma famille côté maternel pour dire qui était mon grand-père et ce qu’il avait fait. Certains ont répondu, d’autres non mais ils ont tous su qui était cette ordure. Les réponses que j’ai eu étaient là aussi positives, on m’a crue et soutenue. Je sais que j’ai de la chance là aussi. J’ai malheureusement constaté qu’il y avait au moins une autre victime, c’était surtout pour cela que j’avais écrit. C’était à la fois très dur de constater qu’il avait fait du mal à une autre personne mais à la fois ça a confirmé définitivement mes doutes sur la véracité des faits (et oui même quand c’est clair, on continue de douter par moment…). Je pense qu’il a fait encore au moins une autre victime. 

J’ai brûlé ou déchiré des photos de lui.

Je compte revendre les cadeaux qu’il m’a fait (beaucoup de bijoux). Il aimait beaucoup que je sois coquette, c’est à vomir. Il me comparaît à ma grand-mère.

Le problème reste les albums photos, à l’ancienne, photos collées, où il est partout. Malheureusement on ne peut pas le gommer de partout. 

J’ai témoigné à la CIIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants). Je l’ai fait 3 fois pour différentes raisons et je suis tombée sur des femmes extraordinaires et formées à accueillir ce genre de témoignage, cela se ressentait. Ce sont elles qui m’ont parlé de l’association France Victimes de mon département. S’il est encore temps pour récolter des témoignages, je vous encourage à le faire. Si vous en ressentez le besoin. Cela fait beaucoup de bien. 

J’ai témoigné ici.

Je pense peut-être dans le futur témoigner en vidéo dans un média. 

J’ai fait tout un tas d’actes symboliques et nécessaires. Pour moi cela a été très bénéfique, mais chaque survivante/survivant (je préfère ce mot à celui de victime même si nous en sommes évidemment) d’un tel cataclysme gère les choses à sa manière. 

Il faut savoir que depuis plus d’un an, je revis. C’est comme une seconde naissance. Alors oui il y a des moments durs (j’ai fait une tentative de suicide impulsive, j’ai eu des idées noires souvent), mais de manière contradictoire l’envie de vivre et de se reconstruire est plus forte que tout. Je me suis remise en marche. J’ai repris énormément de poids ce qui est négatif car je suis obèse, mais je prends plus soin de moi, redeviens coquette, fais attention à comment je m’habille, me maquille à nouveau, porte des robes, des bijoux… Cela fait partie de ce que j’avais perdu à force de symptômes divers.

J’ai commencé le chant en individuel alors que je n’aurais jamais pensé en être capable. Cela me fait beaucoup de bien.

J’ai aussi commencé l’art thérapie qui m’aide beaucoup.

J’arrive à dormir sans veilleuse à nouveau. Mais j’ai des doudous si le sommeil est difficile.

Je fais de la sono-thérapie avec bol tibétain et bol de cristal, car cela m’apaise. 

Je suis aussi beaucoup plus dans la communication avec mes proches, famille et amies, alors qu’avant je bloquais totalement, je m’étais repliée sur moi même. J’avais aussi des blocages pour me laver et aujourd’hui je n’en ai plus. Mes temps de douches sont longs mais rien à voir avec avant. Je sors plus. J’ai un traitement médicamenteux enfin adapté, c’est une béquille chimique qui m’aide pour l’instant. J’arrive à avoir un meilleur suivi, plus régulier, car je ne rate plus de rendez-vous. Meilleur suivi sur le plan physique ou psychique.

En fait je m’occupe de moi. J’essaie de me faire du bien, moi qui étais à fond dans l’autodestruction. Alors bien sûr je l’ai dit il y a toujours des bas. Mais ils sont moins forts et je remonte plus vite. 

Actuellement je suis hospitalisée à ma demande en clinique pour éventuellement intégrer une unité dédiée à soigner les psychotraumatismes. C’est un séjour d’évaluation. J’espère intégrer cette unité pour m’aider.

Car malgré tout aujourd’hui, je suis dépendante des autres et ai encore des peurs et des phobies, et autres symptômes. Je veux être indépendante désormais. Vivre dans mon appartement seule. Et c’est encore un long chemin qui s’annonce… 

J’arrive enfin à me dire que je fais ce qu’il faut et que je suis quelqu’un de bien et de combative. Je suis contente de moi. 

Et si la petite fille terrifiée par les agissements de son « grand père » devait aujourd’hui regarder la femme que je suis, je crois qu’elle serait fière, car elle a sûrement été bien cabossée par ces faits, mais jamais détruite. La femme d’aujourd’hui se bat chaque jour vers le mieux et progresse petit à petit. Pas à pas. 

Courage à vous et n’abandonnez pas la bataille. J’ai été au plus bas des tas de fois, j’ai vécu des moments terribles de repli et de tristesse et aujourd’hui je revis. Rien n’est perdu. Gardez espoir.

June