J’ai été maltraitée par ma mère bien avant ma naissance.

Ma mère, venant elle-même d’une famille dysfonctionnelle, a reproduit les mêmes schémas voire plus. Donc, je suis née dans une famille dysfonctionnelle avec pour chacun de mes parents son lot de souffrances.

Donc née : D’un père qui lui est né d’une mère castratrice et d’un père dont la naissance est plus que trouble sur fond de guerre. Quand il mourut, mon père était à peine adolescent. Ainé de 4 enfants, il va se retrouver à prendre en charge sa famille y compris sa propre mère.

Et d’une mère, qui verra sa mère (ma grand-mère), être battue sous ses yeux par son père. Ce père dont le passé est très mystérieux. Marié une première fois, il abandonnera famille, femme, enfants et ne les reverra plus jamais de son vivant sans que ni ma grand-mère ni ma mère ne sachent pourquoi.

La relation de ma mère sera toujours extrêmement conflictuelle avec son père. Par recoupements et sous toute réserve, il est fort possible que ma mère ait été abusée sexuellement par son père. (Mais cela reste des suppositions). Ma grand-mère vécut de façon assez soumise à son mari, la grande différence d’âge entre eux (19 ans) m’a toujours fait me demander si elle n’avait pas cherché un père. Le sien étant mort, elle était encore une enfant. Une fois majeure, ma mère partit du milieu familial pour se jeter dans les bras de son premier mari qui pendant des mois la violait pour avoir un enfant qu’il était dans l’incapacité d’avoir. Elle finit par s’enfuir. C’est ainsi qu’elle rencontra mon père.

Elle fut enceinte une première fois, d’une petite fille morte/née. Elle est toujours restée sur cette souffrance qu’elle n’a jamais cherché à soigner et qu’elle m’a finalement toujours fait payer. Je suis née 2 ans après et pour de mauvaises raisons. La principale, le besoin chez ma mère de faire un pied de nez à sa belle-mère qui lui reprochait de ne pas être capable d’avoir un enfant viable et la deuxième raison, parce que mon père souhaitait un autre enfant. Je ne crois pas avoir été désirée, peut-être fantasmée pour combler le vide laissé par la première petite fille. Quelque part, on m’a nié mon existence, j’étais devenue celle qui n’aurait jamais dû mourir et en même temps celle qui n’avait pas le droit de vivre. D’ailleurs mon deuxième prénom est celui de cette petite fille morte/née. Du coup, je n’ai jamais correspondu aux attentes de ma mère qui a toujours idéalisé une enfant parfaite. Ce que je n’étais pas. En fait, comment peut-on laisser vivre, s’exprimer une enfant dont l’existence n’a pas le droit d’être ! Je crois que de par ma présence, j’ai toujours rappelé à ma mère que je n’étais celle qu’elle voulait donc il fallait, moi, m’empêcher de vivre pour faire vivre l’autre, celle qui était morte.

Donc encore nourrisson, mon droit à m’exprimer m’était déjà ôté. Mes parents mettaient du Lexomil dans mon biberon pour que je leur fiche la paix. Ma mère ayant des crises de jalousie maladives, un jour ne supporta pas de me voir sourire à mon père. Sa décision fut prise, je devais atterrir à l’Assistance Publique (à l’époque ça s’appelait comme ça). Après intervention de sa mère (ma grand-mère), il fut décidé que je serai placée à la campagne, très loin, chez quelqu’un qui avait suffisamment besoin d’argent pour prendre à 100% un bébé. J’avais 1 an.

Apparemment, cette brave dame n’était pas habituée aux enfants. Je suis restée chez elle presque 3 ans, avec pour seule compagnie une chaise haute où j’étais attachée dessus une bonne partie de la journée. Une télé et un fils ado handicapé. La sentence de ma mère fût levée le jour où venant me rendre visite (tous les 3 ou 4 mois), elle eut soupçon d’attouchements. J’avais des ecchymoses à l’entre-jambe. Mes parents m’ont récupérée, je savais à peine marcher. Je parlais un langage incompréhensible, je poussais beaucoup de cris. Bref, j’étais ingérable ! J’avais 4 ans.

Pour faire simple, j’ai été maltraitée dès ma venue au monde, abandonnée à l’âge de 1 an jusqu’à 4 ans. Reprise à 4 ans pour me mettre dans des pensionnats maternels religieux qui eux-mêmes ont été maltraitants. Ensuite maltraitée pendant toute mon enfance et adolescence. Cette maltraitance m’a amenée à être victime d’inceste par le père de ma mère. Celle-ci, consciemment ou inconsciemment, m’a jetée dans les bras de son père alors que j’avais entre 8 et 9 ans. En gros, même s’il m’est encore difficile de le dire, j’ai subi l’inceste par le père de ma mère qui m’a violée en me faisant croire qu’il m’apportait de l’affection. Affection que je n’ai jamais connue avec mes parents, brèche ouverte qui lui a permis de s’engouffrer en toute impunité…

Le problème, c’est que mes parents avaient leur vie sans moi. Donc je dérangeais ! Pour plus de facilités pour eux, ils décidèrent de me mettre dans des pensionnats maternels religieux. Je m’en souviens de 2. Le premier a été chargé de me décrotter. Le fait que je sois ingérable était un gros problème. Je crois que ça été assez violent, les bonnes sœurs n’étant pas franchement réputées pour être très sympas à cette époque … Quasiment pas de souvenirs en dehors d’un dortoir, de lits à barreaux alignés, du noir. La terreur du noir… un flash, un seul. J’étais dans ce dortoir et je suis allée vers le lit d’une plus grande parce que j’avais très peur (lors d’un exercice avec ma psy concernant ce pensionnat, j’ai complètement dissocié, elle avait en face d’elle une petite fille de 4 ans complètement terrorisée. Elle m’a dit avoir eu beaucoup de mal à me faire revenir dans la réalité).

Je me souviens d’un deuxième sur la région parisienne. Pourquoi celui-là et pas les autres ? J’avais 4 / 5 ans, j’étais décrite comme une enfant méchante et asociale. Ça m’est toujours resté comme si c’était inscrit en toute lettre sur mon front.

Peu de souvenirs avant mes 8 ans, en dehors de la peur de ma mère et de sa main. Ma mère avait pour habitude de se défouler sur mes joues et ma tête quand j’avais le malheur de ne pas correspondre à ses attentes. Je me souviens d’une soupe de poisson que je n’aimais pas et n’arrivais pas à manger. Je l’ai tellement agacée que sa main est partie plusieurs fois. Quand elle s’est arrêtée, peut-être fatiguée de taper, j’ai posé ma tête dans mes bras et je ne me souviens plus de rien. J’ai un trou d’une semaine. Ma mère a toujours nié cet épisode et a prétexté une grippe d’où mon trou de mémoire… Une autre fois, ce sont mes doigts qu’on attachait parce que j’avais osé lever le petit doigt en mangeant. Pourquoi est-ce que j’ai un peu plus de souvenirs à partir de 8 ans ? Peut-être parce qu’on a déménagé. Ma mère ayant du mal à vivre sans sa mère avait décidé d’aller vivre dans la même ville qu’elle.

Mes souvenirs de cette période ne sont pas franchement agréables. Régulièrement enfermée dans ma chambre pour mauvaise conduite, il ne se passait pas un jour sans que ma mère qui avait toujours quelque chose à me reprocher se défoule de son mal-être en me giflant jusqu’à ce qu’elle soit épuisée. Il ne s’est pas passé un jour, où je n’ai pas saigné du nez. Ben oui, j’avais le nez sensible. LOL.

J’avais peur d’aller à l’école, je devais aller à pied et, pour moi et ma vision de petite fille, c’était loin. J’ai des problèmes d’orientation…, je n’étais pas acceptée des autres enfants qui me l’ont bien fait comprendre à leur façon. J’ai un jour été suivie par un garçon plus vieux que moi qui m’a coincée derrière une butte de terre. Beaucoup de frayeur, ça n’a pas été plus loin. Mais je sais que c’est de l’abus quand même.

Donc, un jour, ma mère décida que je devais me rapprocher de son père alors que je n’avais jamais eu de relation réelle avec lui. C’est comme ça que cela commença. J’ai été abusée par lui. Aucune pénétration avec le sexe, juste les doigts… Et la honte, la culpabilité d’avoir laissé faire, peut-être voulu. Je n’avais jamais connu un seul geste tendre, j’étais en demande affective énorme. J’ai beau savoir qu’un enfant n’est pas coupable de ça et avoir un doute sur le fait que ma mère inconsciemment savait ce qui allait se passer, j’ai eu beaucoup de mal à avancer là-dessus. Je me suis toujours sentie sale et pas salie. Cela n’a duré que quelques jours et la vie a repris son cours. Entre les crises et gifles de ma mère. Je sortais très peu. Mon lit était mon endroit préféré. Je m’asseyais dessus et me balançais pendant des heures, je faisais rouler des perles dans mes mains en m’inventant des mondes imaginaires. J’avais très peu de jouets et comme j’avais peur de faire du bruit, j’avais cassé un collier de perles que j’avais dû confectionner quelque part et je jouais avec les perles.

J’ai été violée par un ami de ma mère à 13 ans et complètement conditionnée par les abus et la maltraitance de mes parents (oui, je n’ai pas parlé de mon père, mais j’y reviendrai plus bas) , j’ai subi des abus de la part d’un médecin (celui de ma mère) et des attouchements de la part de mon beau-père (son mari).

À la mort de son père, ma mère et ma grand-mère décidèrent de déménager. Elle me refila à un couple d’amis à elle pendant quelques semaines pour ne pas m’avoir dans ses jambes pour le déménagement. Lui était réputé pour courir après les très jeunes femmes. Le soir où je fus déposée chez eux, j’ai su très exactement ce qu’il voulait. Peut-être une façon de regarder… Il ne mit pas longtemps à me le faire comprendre. Un jour, il passa à l’acte dans sa voiture. Pas de pénétration avec le sexe, mais les doigts, fellation… J’avais 13 ans. Et toujours cette impression que ma mère savait que ça pouvait arriver.

J’ai été violée par cet homme qui était un ami de ma mère à 13 ans et complètement conditionnée par les abus et la maltraitance de mes parents (oui, je n’ai pas parlé de mon père, mais j’y reviendrai plus bas), j’ai subi des abus de la part d’un médecin (celui de ma mère) . Ma mère qui a toujours eu peur du quand dira-t-on, m’emmena voir son médecin, j’avais 15 ans et demi, pour me faire prescrire la pilule. Elle s’en foutait de qui me passait sur le corps, il ne fallait surtout pas que je sois engrossée ! Bien sûr, ma mère n’eut pas l’autorisation de rester. Une fois allongée, la première chose qu’il m’a sortie c’est « ça te fait du bien, hein » ! Il avait la réputation de coucher avec ses patientes…

Adolescence chaotique… Interne dans un lycée… Une envie de disparaître très forte. J’ai eu une période où je refusais quasiment de m’alimenter. Une mère qui faisait pression sur le lycée en les menaçant de porter plainte dès que le lycée essayait de faire quelque chose pour moi. J’avais interdiction de sortie, je devais être la seule, mais comme j’étais mineure, ils étaient obligés de l’accepter.

Les études ont été une source de dévalorisation quotidienne. J’étais incapable de suivre une scolarité normale jusqu’au collège… J’étais sa honte, je l’ai toujours été, n’ayant jamais eu grâce à ses yeux. Quand j’ai réussi à remonter légèrement la pente scolairement et que j’ai souhaité continuer des études par le biais du BAC pro, j’ai tout entendu et le peu de confiance que j’avais s’est envolé… Par la suite, j’ai souhaité faire des études par correspondance, mais j’en ai été incapable et puis quand on est « une bonne à rien, qui ne fout rien, qui est paresseuse et incapable et sera toujours incapable de quoi que ce soit », comment arriver à ne pas faire siennes ces paroles-là ?

Un procès très pénible entre mes parents se déroula pendant mon adolescence. La haine de ma mère vis-à-vis de mon père était telle que j’ai servi d’instrument de vengeance. Entre autres, je venais juste d’avoir 16 ans (à l’époque, âge auquel un enfant pouvait choisir de voir ou non un parent), ma mère m’a dit qu’elle ne pouvait plus m’empêcher de voir mon père, mais que si je décidais de le voir même un jour, je ne la reverrais plus jamais. À 16 ans, ce chantage m’a fait l’effet d’une bombe et je l’ai longtemps très mal vécu.

Une fois le lycée fini ou plutôt quand ma mère décida ne de plus me payer d’études parce que pour elle, j’étais trop bête, je retournais chez ma grand-mère chez qui j’habitais depuis mes 14 ans. Ma mère, son nouveau mari et moi habitions chez elle. Ma mère et lui s’engueulaient souvent, il ne mit pas longtemps avant de me faire comprendre que j’étais à son goût. Un jour, il alla trop loin dans les gestes et j’ai réussi à partir 15 jours après. J’avais 19 ans.

Plus tard, cette répétition a fait que j’ai été violée et abusée par d’autres hommes. La notion de consentement n’étant pas évidente quand on a l’habitude et que l’on est conditionnée à ce que d’autres utilisent votre corps sans vous demander votre avis. J’ai parlé de ma mère qui est, je pense, l’élément central, mais mon père aussi a été maltraitant à sa façon. Il a été maltraitant par sa passivité et son inaction. Au fait, de non seulement n’avoir jamais cherché à me protéger, mais parfois avoir participé de manière volontaire ou non. Il ne fallait pas déranger sa petite vie et moi, je la dérangeais sa vie, je prenais trop de place donc plus facile de laisser-faire que de s’opposer. Il faut dire que lui-même vient d’une famille dysfonctionnelle. Une partie de mon vécu.

Sophie