Petit j’étais inscrit dans un cours de violon à la demande de mes parents. Je me souviens de l’odeur de la salle, du trajet pour s’y rendre, de ma mère qui m’embrassait sur le front avant de repartir faire des courses pendant l’heure que durait mon cours. Au début j’adorais ça le violon, mais à un moment j’ai détesté, sans même comprendre pourquoi. Je pleurais pour m’y rendre. Mes parents pensaient que je faisais un caprice et m’obligeaient donc à y retourner chaque semaine, puis deux fois par semaine lorsque j’ai eu 9 ans. J’ai arrêté d’en faire à 15 ans car brutalement j’ai revécu des sensations horribles au niveau de mon bas ventre. Je sentais quelqu’un me toucher le sexe alors que je ne voulais pas, je me réveillais en sursaut en sentant une immense douleur au niveau de l’anus. C’était à me rendre dingue ! J’avais le sentiment de devenir fou ou pervers, car même la journée je pensais à des situations sexuelles très « hard » pour un garçon de 15 ans. Puis environ un an plus tard, en regardant un concert j’ai cru que j’allais mourir car beaucoup de souvenirs sont revenus d’un coup. Des souvenirs où mon professeur de violon exigeait de moi des rapports sexuels…des viols.  Je n’ai jamais pu retoucher un violon après dans l’incompréhension totale de mon entourage.

L’école a toujours été un cauchemar pour moi. Les élèves me trouvaient différent et les profs me jugeaient nul. Je ne réussissais pas à travailler sérieusement et ma famille me prenait pour un « tire au flanc ». L’année du bac je n’avais plus rien à perdre alors j’ai commencé à vraiment travailler, et plus je travaillais moins je pensais aux violences sexuelles présentes durant mon enfance. J’ai eu les meilleures notes de ma classe et j’ai étudié sans arrêt jusqu’à devenir médecin. Le revers de la médaille est que sans m’étourdir de boulot j’ai du mal à « fonctionner » et à profiter de la vie. Il va falloir que j’apprenne à me centrer un peu sur moi et à m’autoriser à décrocher un peu du travail. Je n’ai jamais pu rien dire tant j’avais peur que ma famille me déteste. C’est surement bête mais quand on a 15 ou 16 ans on se dit que ce qu’on a fait est mal, même si bien entendu on en est absolument pas responsable. J’aurais aimé que quelqu’un me demande si j’avais vécu des violences sexuelles. En tant que médecin, je pose la question par principe à mes patients. Je me dis que cela peut tout changer.

Aujourd’hui je pense être capable d’enfin porter plainte. Mais ce que j’ai vécu est prescrit, à quelques mois seulement. J’ai tout de même essayé de faire valoir ce droit mais ça a été classé sans suite. J’espère simplement que cette personne n’a pas fait et ne fera pas d’autres victimes.

L’amnésie traumatique est toujours là en partie pour moi. Je ne me souviens pas de tout et c’est difficile de se dire que ça ne reviendra peut-être jamais. Mais désormais j’avance, pas parce que la justice ou mon agresseur m’y a autorisé, mais parce que je ne me sens plus coupable. Depuis deux ans je rejoue également du violon…

 

Gabriel